AUTOUR DE YAABA – OUAGA, CAPITALE DU CINEMA

Après la tragédie de l’assassinat de Thomas Sankara le 15 octobre 1987, de nombreux cinéastes et journalistes, tels que Haile Gerima et Roberto Silvestri, ont décidé en signe de protestation de ne pas retourner à Ouagadougou et au Fespaco. Avec Djibril Diop Mambéty, Taieb Louhichi et bien d’autres, nous avons poursuivi notre pèlerinage bisannuel dans la capitale du Burkina Faso, mais en boycottant les cérémonies d’ouverture et de clôture du festival auxquelles assistait le nouveau président de l’époque, Blaise Compaoré, orchestrant la mort de Sankara et coupable de la fin d’une grande utopie panafricaine. Nous avons profité de ces moments officiels pour nous rassembler autour de la famille du président assassiné, pour leur exprimer toute notre gratitude et notre solidarité.

Pendant plus d’une décennie, j’ai senti ma frustration grandir en voyant que le Fespaco, qui était le grand rendez-vous du cinéma panafricain, se transformait en un immense festival de tourisme, de commerce et de divertissement, laissant de moins en moins de place au cinéma.

En 1999, à l’occasion du trentième anniversaire du festival, j’ai décidé de prendre la caméra dans mes mains et de raconter, à travers de rares documents d’archives, les origines de ce grand festival, né grâce à l’engagement de maîtres tels qu’Ousmane Sembène, Tahar Chériaa, Oumarou Ganda, Lionel Ngakane et bien d’autres pionniers, qui est devenu au fil des ans un moment de réflexion très important sur la naissance, l’identité et l’âme résistante du cinéma africain. A travers de nombreux témoignages des fondateurs et des matériaux anciens, j’ai essayé de raconter l’histoire de mon Ouagadougou et de mon Fespaco.

Ce film est un hommage à la ville de Ouagadougou, capitale du Burkina Faso, où se déroule tous les deux ans, depuis 1969, le Fespaco, un des plus importants festivals du cinéma africain. Il a été interdit durant de nombreuses années au Burkina, sous le règne de Blaise Compaoré, car il rend, en partie, hommage au président Thomas Sankara, et met à l’index l’homme qui a commandité son assassinat pour prendre sa place. Il met également à l’index le frère de Blaise Compaoré qui a fait éliminer le journaliste Norbert Zongo. Ce «zoom» politique intervient mais n’occulte pas le thème principal qu’est le cinéma africain à travers le FESPACO, avec des images, des photos d’archives et des interventions.

Ouaga, capitale du cinéma est un grand témoignage de cette aventure initiée par un groupe de cinéphiles et qui est devenue le plus grand festival de cinéma africain.

Ce documentaire est avant tout dédié à Djibril Diop Mambéty, que Mohamed Challouf appelle « mon frère ». D’ailleurs, la première image du documentaire est celle de ce cinéaste sénégalais, qui avance tel un mirage dans le désert. Il se retrouve au milieu d’un groupe d’enfants et leur dit : « Alors voilà comment on fait du cinéma. A partir de ce soir, pour faire un film, on ferme les yeux. On ferme bien. Et là dedans, dans le noir, il y a des étincelles. Il y a de la lumière. On invente des histoires. De belles histoires. Le noir devient l’écran blanc. Et notre belle histoire débute ». Et la belle histoire du documentaire de Mohamed Challouf, c’est le FESPACO.

« Cette première rencontre avec le Burkina, et la découverte de son jeune président Thomas Sankara, aura été pour moi une expérience extraordinaire qui a marqué profondément ma vie et a eu une grande influence sur mon parcours  professionnel. Elle m’a permis surtout de remettre en question beaucoup de préjugés et de commencer à regarder avec plus d’intérêt et de fraternité vers le sud du Sahara et tout le reste du continent».

Mohamed Challouf

Mohamed Challouf est né en 1957 à Sousse (Tunisie). Après des études au lycée technique de sa ville natale, en 1979 il fréquente l’Università Italiana per Stranieri Pérouse en Italie. En 1983 avec l’aide d’un groupe d’amis, il crée le Giornate del Cinema Africano di Perugia premier festival dédié au cinéma africain en Italie. Il y assure la direction artistique jusqu’à 1994. En 1992 il publie son premier livre photographique Les Enfants du Sud, un hommage à l’enfance en Afrique dont les photos ont été exposées dans une trentaine de villes d’Afrique et d’Europe. En 1994, il rentre en Tunisie pour travailler pour les Journées Cinématographiques de Carthage en tant que délégué général de cette manifestation du cinéma arabo africain. Réalisateur et producteur, il est l’organisateur des Rencontres Cinématographiques de Hergla depuis 2005.

2001 : Ouaga, capitale du cinéma.
2016 : Tahar Chériaa, à l’Ombre du Baobab.