AUTOUR DE HYÈNES – HIGH NOON

Le Train sifflera trois fois  (High Noon)

de Fred Zinnemann , États-Unis , 1952 

Le jour de son mariage avec la jeune Amy (Grace Kelly), le shérif Will Kane (Gary Cooper) apprend que Frank Miller (Ian MacDonald), un homme qu’il a fait arrêter et condamner cinq ans plus tôt, arrivera en ville par le train de midi. Déjà, trois de ses complices l’y attendent. Le sens du devoir l’emportant sur la démission qu’il avait l’intention de donner, Kane espère cependant que quelques-uns de ses concitoyens de Hadleyville prennent les armes avec lui. Aucun ne le suit. Bien que le combat s’annonce perdu d’avance, le shérif se dresse contre les bandits…

Alors que la « chasse aux sorcières » sévit à Hollywood, Carl Foreman écrit le scénario du Train sifflera trois fois pour le producteur Stanley Kramer. Le scénariste s’inspire largement du climat de délation et de peur qui s’est abattu sur les studios. Pendant le tournage du film, il recevra un petit papier rose, l’appelant à comparaître devant la Commission des activités anti-américaines. Peu de temps après, Carl Foreman est inscrit sur la tristement célèbre liste noire hollywoodienne.

La grande originalité de ce western moderne allégorique repose sur son dispositif narratif, qui fait coïncider temps de l’intrigue et temps réel. L’action, resserrée à l’extrême, se déroule en moins d’une heure et demie, entre 10h30 et 12h. Durant ce court délai, Will Kane, en quête de soutien, réalisera qu’il ne peut compter que sur lui-même. Collègues, voisins, sa fiancée même, se défilent un à un, par lâcheté ou par calcul. Grâce à un ingénieux mouvement de grue, Zinnemann isole le personnage, qui apparaît tout à coup seul, au milieu de la rue, dans toute sa vulnérabilité.

D’abord proposé à Henry Fonda et Gregory Peck, qui le déclinent, le rôle-titre est finalement confié à Gary Cooper. Enthousiaste, l’acteur renonce aux trois quarts de son cachet pour pouvoir camper l’ancien shérif. Un instinct qui sera  récompensé puisque Cooper remportera un Oscar pour son interprétation.

« Unité de temps, de lieu, d’action ; style très dépouillé, pas une fioriture, pas de pittoresque, tout concourt à faire de High Noon une manière de chef-d’œuvre, une sorte de tragédie classique où le poids d’une fatalité envoûtante pèse sur chaque seconde d’un récit qui dure exactement son temps réel. […] Les coups de feu claquent à midi dans le soleil pendant quelques secondes, et bientôt, sans lyrisme extérieur, sans héroïsme spectaculaire, sans agonie théâtrale, sans cavalcade, tout est fini, le rideau tombe. La chute elle-même […] est, par sa rapidité et sa poignante simplicité, d’une insolite grandeur. » (Jacques Doniol-Valcroze, Cahiers du cinéma, octobre 1952

Quelques chiffres :

  • Une popularité intacte depuis désormais plus de soixante ans.
  • Un authentique monument du cinéma mondial dans le rôle principal : Gary Cooper (Les Aventures du Capitaine Wyatt, Les Conquérants d’un nouveau monde, Le Rebelle, Les Trois lanciers du Bengale).
  • 4 Oscars en 1953 : Oscar du Meilleur Acteur attribué à Gary Cooper, Oscar du Meilleur Montage, Oscars de la Meilleure Musique et de la Meilleure Chanson pour Dimitri Tiomkin.
  • Toute la beauté et le talent de Grace Kelly (La Main au collet, Fenêtre sur cour, Mogambo).
  • Une pléiade incroyable de seconds rôles entrés dans l’histoire du cinéma : Thomas Mitchell (La Chevauchée fantastique, La Vie est belle), Lloyd Bridges (Le Passage du canyon, Le Faiseur de pluie), Katy Jurado (La Lance brisée, Le Sorcier du Rio Grande)…
  • Dans le rôle de l’un des tueurs, un certain Lee Van Cleef qui, une quinzaine d’années plus tard, deviendra une star avec Et pour quelques dollars de plus et Le Bon, la brute et le truand.
  • Un western de grande classe mis en images par Fred Zinnemann, mythique réalisateur de Tant qu’il y aura des hommes, de Un Homme pour l’éternité et de Chacal ;
  • Écrit par Carl Foreman (Le Pont de la Rivière Kwaï, Les Canons de Navarone), Le Train sifflera 3 fois aborde des thèmes universels et intemporels : le don de soi, la lâcheté collective, la vengeance et le courage.
  • John Wayne considérait que Le train sifflera trois fois était « anti-américain » (donc de gauche) et allait tourner Rio Bravo en réponse.